Notes sur de la zik

Alice M. – Septembre 2019, 2

Me rev’là.

Rappels rapides (copiés depuis l’épisode précédent) sur les lecteurs Bandcamp intégrés :

The Black QueenFever Daydream

Leave all your shame behind the door

D’une certaine manière, j’ai déjà parlé du mec principal de ce truc.

Après avoir passé pas mal d’années à pousser des cris hallucinants pour The Dillinger Escape Plan, Greg Puciato a pondu un projet de synthpop. J’ai tout de suite trouvé cet album marrant, mais j’ai mis des années à vraiment me pencher dessus et à l’acheter. Puis, phénomène chelou : je me suis mis à avoir des envies soudaines et pressantes de me le passer, lui et rien d’autre. Je me le bouffe grave, depuis, et je me sens con d’avoir attendu.

La première moitié est plus énergique et dansante (avec des trucs si catchy que ça devrait limite être illégal) ; la seconde a davantage de moments presque méditatifs voire mélancoliques. Le morceau que je mets en avant ici fait un peu la transition entre les deux.

Chose étrange, par contre : jamais pu accrocher à l’album qui a suivi, malgré pas mal d’essais. Il n’est pas mauvais en soi, et pas mal de gens l’apprécient, alors allez voir si vous en avez le temps. Mais je trouve que la plupart de ses pistes ont un son vachement… étouffé. Ça fout moins la patate. Et j’en retiens moins de choses.

IzahSistere

Steps are taken, rigidly. I try not to wander off. My surroundings, I absorb abundantly.

J’ai beau adorer le sludge atmosphérique, faut avouer que des fois l’étiquette « atmosphérique » sort d’on sait pas trop où. Heureusement, d’autres fois, c’est plutôt justifié.

En parlant de trucs qui sortent d’on ne sait où : groupe qui sort un peu de nulle part, mais la dernière piste, à elle seule, me fait plus voyager que certains albums entiers. Bon, OK, elle fait trente minutes, mais elle conserve pas mal mon attention alors que ça n’était pas gagné d’avance.

De manière générale, ces gars savent s’y prendre pour leurrer l’auditeur avec des trucs limite réconfortants avant de balancer de l’espèce de désespoir bien lourd ici et là. Cette dernière piste met le paquet avec des extraits d’une espèce de… court métrage réalisé par une troupe de danse cheloue ? (Ouais, je découvre des trucs en même temps que vous.) Il faut être accroché, mais le tunnel n’est pas sans fin.

GallowbraidAshen Eidolon

All I hear are echoes of despair as I watch the seasons wither and die

Il y a neuf ans, un mec a poppé et a donné une putain de leçon de black-atmosphérique-paluchage-devant-nature à tout le monde avec un EP, puis il est retourné à ses autres projets (genre Visigoth). OK.

Je crois qu’avant qu’une version numérique ne poppe, ce disque s’arrachait à des prix wtf, mais je confonds peut-être avec les trucs de The Angelic Process

Ça se conforme tant à certains codes du genre que ça en devient presque scandaleux à des moments, mais en même temps ça fait une bonne introduction au genre. Pis il faut bien des trucs « classiques » de temps en temps, sinon où sont les repères ? Bon et puis je dis ça mais il y a quand même une diversité sympa sur ces même-pas-32-minutes de musique.

DéhàCruel Words

Release me…

Déhà est un Belge qui utilisait déjà ce nom pour mettre la main à la pâte dans toute une tripotée de projets avant de sortir des albums directement sous ce pseudonyme.

Il ne pète généralement pas trop le feu mais est aimable comme tout et m’a envoyé un mail de remerciement, vraisemblablement à la main, quand j’ai acheté cet album. On a même échangé deux trois mots, après. Pis on sent quand même qu’il est aussi question de se hisser au-dessus de tout ce bordel.

Musicalement, le mec pioche dans pas mal de trucs et esquive adroitement les gros clichés qui détruisent tant d’œuvres plus ou moins dépressives. Et comme à son habitude il fait de sa voix tantôt un truc limite envoûtant, tantôt quelque chose de complètement torturé.

Wut, il a un projet de rap, aussi ? Mais haha heureusement que ces documents me poussent à fouiller.

Red FogThe Impossible Protocol

The project’s mission is to translate and convert subconscious ephemeral states of mind into hazy aural pieces.

Merde putain je vais dire quoi pour ce truc…

Officiellement du DARK ambient parce que bon, ce ne sont pas des bruits de ruisseaux avec des oiseaux qui chantent, mais on est quand même loin des trucs lugubres lovecraftiens du label Cryo Chamber. Ici, le délire, c’est plutôt le genre de bruits qui servent à faire genre « OMG ILS FONT DES TRUCS COMPLIQUÉS SUR DES ORDIS CHELOUS » dans les films pourris où les mecs piratent le fbi en écrivant du xml. En tout cas c’est ce que ça m’évoque. Avec le côté drone (« A continuous low humming or buzzing sound. ») qui rajoute des nappes d’autres trucs zarbs plus longs derrière.

Putain à des moments on dirait qu’on rampe dans un truc d’aération et que des toilettes se mettent à fuir à deux centimètres de notre tronche, aussi. Enfin je vais arrêter de dire nawak car c’est probablement mieux si chacun reste libre d’imaginer ce qu’il veut, avec ce genre d’œuvres. Mais tain le mec il a quand même des titres genre « Cire qui fond sur des tubes de néon », quoi. Et ça ne m’étonnerait même pas si de telles expériences étaient vraiment impliquées dans ses enregistrements.

J’avoue que je ne me passe pas ça tous les jours, mais quand on a envie d’une expérience assez atypique ça fait le job. En plus, ce n’est pas particulièrement invasif et on peut bosser en même temps et tout. Par contre à des moments j’ai l’impression que ça gomme la frontière entre moi et le monde extérieur, et que ça affûte mes sens contre mon gré.

SadnessCircle of Veins

Mince, ça va faire beaucoup de trucs dépressifs, mais en même temps je n’avais pas trop envie de passer trois plombes à mettre mes liens dans des ordres à la con.

Alors déjà, oui, c’est un peu lo-fi, mais pas envie de perdre une heure de ma vie à faire un énième topo là-dessus. Après adaptation, ça permet de se sentir proche du mec et ça colle plutôt bien à ce qu’il fait.

Damián Antón Ojeda est un jeune pélo (enfin officiellement il est de genre « inconnu / autre » sur Metal Archives et se fait appeler Elisa) qui a poppé au Mexique et traîne aux Badaboums-Unis. Lui non plus ne pète pas trop le feu, mais j’ai l’impression qu’il commence à se dépatouiller et ça se traduit par des influences plus variées dans ce qu’il fait. Wtf ça part en espèce d’électro cheloue sur la 3. Pis il utilise de plus en plus ces espèces de « chœurs qu’il fait probablement tout seul en mode “m’en bats la race je superpose plusieurs versions de moi” » et ça donne parfois limite envie… de danser sous la pluie ? J’aime ces artistes qui semblent vouloir nous tirer par la main quand on va mal et qui, ce faisant, se font du bien à eux-même. Pour quelqu’un qui parle autant de solitude, il me semble plutôt bien entouré par ses fans, et proche d’eux.

HammockRaising Your Voice​… Trying to Stop an Echo

You swore you’d never be them… You're just like them; you're just like them now!

Vlan, prenons une grosse chiée d’ambiant-post-dream-truc accessible dans la figure.

J’suis tombé sur un album au pif, allé voir les notes de toute leur discographie, et j’ai testé ce truc qui était bien noté. C’est pas dégueu. Ils ont aussi des trucs plus contemplatifs (bon, là, ça l’est déjà pas mal, en fait), mais je suis très loin d’avoir tout testé. Et… ils ont fait des ziks pour Far Cry 5 ?! Tout en ayant des inspirations néoclassiques.

Cette pochette me fait peur. Ça me fait penser à quand ma mère dit que si on ne lave pas mes draps ils vont « tenir tout seuls ».

niLes Insurgés de Romilly

Nous avons leurs testicules entre nos doigts ! … C’est tellement bon…

Des mecs de Bourg-en-Bresse qui alternent des trucs un peu jazzy et de l’éclatage de crane façon math-rock.

Le nom, à écrire apparemment de préférence sans majuscule (?) et faisant directement référence aux Monty Python, en dit paradoxalement long.

Comme quoi il n’est pas nécessaire de beugler (leurs rares usages de voix sont un peu en arrière-plan et plus pour l’effet comique qu’autre chose) ni même de faire du métal à proprement parler pour trucider un cerveau. Mais en fait avec eux, c’est bizarre : si je suis dans le bon état d’esprit ça me booste plus qu’autre chose. À écouter perché sur un gros ballon de kiné c’est assez planant. Et les samples (ptêt même pas des extraits de films, d’ailleurs, car je n’en retrouve pas des masses de traces) me font bien marrer.

Putain on comprends tellement rien à des moments ! La vie serait chiante si on comprenait toujours tout. LOL les titres vieillots chelous, aussi. Et sur un EP ils ont « Balafré par une Dinde Morte ».

EarthsideA Dream in Static

Disheartened from fighting for no reward, I want more than you’ve shown me

Un des touuuuut premiers trucs que j’ai achetés en numérique. Depuis cette époque, ils bossent sur la suite, et je sens que ça va me défoncer la figure.

Du prog ambitieux, avec tant de voix invitées qu’il n’est plus vraiment instrumental. Pas des invités en carton, d’ailleurs : un mec de Tesseract, et puis le bon vieux Björn Strid qui me rappelle toujours mes années lycée, et des mecs que je ne connaissais pas mais qui se défendent bien… Il y a aussi un mec qui joue d’un instrument chelou sur certaines pistes, et pis un orchestre ici et là, tant qu’à faire. Avec ça, un peu chacun y trouve son compte. Il y a aussi des vidéos assez classes qui ont été faites.

La dernière piste, plus sombre et longue, est peut-être ma préférée, et je vous invite à la tester. Je ne l’ai pas sélectionnée ici car elle aurait donné une image cheloue de l’album. Elle me crève le cœur, avec ce gros yo-yo d’intensité et ce mec qui reprend de temps en temps la même mélodie en baddant de plus en plus, jusqu’au final « Wait out, wait out and fade / Wait out, wait out for me », après quoi il disparaît pour de bon, laissant les instruments dresser, sur une minute trente, la conclusion de l’œuvre.

The Body & Full of HellOne Day You Will Ache Like I Ache

I need my anger: it’s all I’ve got right now.

Quand je panique un peu et que je veux un peu me débarouler la tronche, je me mets du The Body, du grindcore ou du noise. Quand je suis au bout de ma vie, je me mets cette collaboration de The Body avec des mecs qui font du grindcore avec des effets noise.

Les passages et pistes plus pépères rendent le truc encore plus terrifiant. Ouais, je dis même plus « brutal » ou quoi que ce soit, là. C’est de la terreur pure. Même dans les passages où ça fait surtout un gentil « booon wonwooon wonwooon » qui nous berce. Mais j’y reviens souvent et ça m’aide à supporter nawak.

Ce disque est unique. D’ailleurs (décidément, je fais les fonds de tiroirs) c’est aussi un de mes premiers achats numériques. Je me souviens encore de cette époque où j’hésitais à me créer un compte Bandcamp… J’avais genre quarante marque-page pour mettre des trucs dans ma liste de souhaits quand j’aurais moins la flemme et davantage de fric. Sérieux, je galère pour retrouver des trucs comme ça, et même la pochette semble me crier : « chéris-moi ! »

J’avais déjà présenté un album non collaboratif de The Body, l’inoubliable « I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer ». Là, ils font mumuse avec d’autres gens un peu uniques. Et il y a toujours ces espèces de bruits de poulet.

Putain les deux espèces de pistes bonus à la fin sont violentes rien que pour les aigus. Ça me met dans un état chelou.

The Devil’s BloodThe Time of No Time Evermore

[…] to look inward to see that twisted mind that lies beneath the surface of all humans and to say “yes, I accept you” […]

En apparence, c’est plutôt gentillet et festif. Plus « séducteur » qu’agressif, comme disent apparemment les journalistes. C’est même psyché-vieillot.

En vrai, c’est du « rock occulte », et ça déconne pas. Selim Lemouchi, après des histoires de dépression et de drogue, s’est rattaché au satanisme et s’est mis à composer des trucs censés canaliser je ne sais quoi entre lui et Satan. Je crois qu’il a aussi peint un truc genre « gloire à Satan » sur le mur de sa maison, mais je ne retrouve pas le document fascinant que j’avais lu sur ce mec, donc prenez ça avec de colossales pincettes. Mais en vrai, en interview et tout, il fait très posé.

Bref, tant qu’à faire, il est allé voir sa sœur Farida et lui a fait : « Viens, on va monter un truc, faire des concerts qu’on appellera “des rituels”, pis tu te verseras du sang sur la tronche et tout ; ça va être cool. » Je ne sais plus trop comment il l’a convaincue, mais en tout cas ça a donné The Devil’s Blood. Le mec pond des trucs de guitare groovy à la pelle, et sa sœur balance sa voix envoûtante par-dessus.

Assez tôt, jusque dans les interviews, il a rendu très clair qu’il préférerait choisir le moment et la cause de sa mort. Cependant, cela a beaucoup surpris quand, en 2014, à 33 ans, il est effectivement passé à l’acte en se gavant de nawak. Non seulement on espérait échapper à ça, mais en plus c’était sacrément tôt, surtout qu’il disait avoir encore des trucs à faire.

DälekAbsence

If you listen to what hip-hop has historically been, it was all about digging in different crates and finding different sounds, and finding different influences to create.

Le rap, c’est bien. Quand c’est osé, dérangeant, unique, expérimental, et que ça prend aux tripes, c’est mieux.

Alors évidemment, après, c’est pas pour tout le monde, mais…

  1. ça peut devenir « pour » des gens improbables. Genre cet album a été diffusé en entier avant le début d’un concert de… black métal polonais. Et le mec de Blut aus Nord veut collaborer avec Dälek (et a ptêt déjà commencé) ;
  2. les trucs faits pour tout le monde, c’est souvent pourri (ou en tout cas ça ne suffit pas pour avoir un régime équilibré). Pour aller loin dans le trou biscornu et unique qu’est l’esprit de chaque être humain pris individuellement, on ne peut pas utiliser le même outil pour tout le monde.

Une fois écartés les mecs qui sont allergiques ou juste imperméables aux murs de son et au noise, on se retrouve avec des notes et critiques plutôt dingues.

Le mec n’a pas l’air vulgaire de ouf, mais par contre les étiquettes contiennent des trucs comme…

… donc ne vous attendez pas à l’entendre faire : « Woo vive l’alcool, la fête et les excès de vitesse ! » Là, c’est plutôt des trucs sur les inégalités sociales, l’injustice et compagnie.

Et non, je ne crois pas qu’il y ait un rapport avec les robots-poivrières de Doctor Who. D’ailleurs Wikipédia dit « pronounced “Die-a-leck” ».

Voilà

Je me suis re-calé sur douze trucs, même si c’est toujours aussi arbitraire.

Je rappelle qu'une bonne partie de mes récents achats de musique sont ici, si jamais vous n'avez vraiment rien à foutre :
https://bandcamp.com/alice_m

Et pour le reste :
http://www.alicem.net

Bonne journée.